Le dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH), réalisé au courant du mois de septembre 2024, dévoile des chiffres préoccupants et des tendances démographiques qui interpellent à plus d’un titre sur l’avenir du Maroc. Décryptage.
Par Mohamed Amine Sajid*
Un ralentissement démographique aux multiples implications
Avec une population légale du Royaume du Maroc estimée, au 1er septembre 2024, à 36.828.330 habitants et un taux d’accroissement annuel moyen tombé à 0,85 % contre 1,25% enregistré en 2014, le Maroc semble entrer dans une phase de transition démographique accélérée. Si certains pourraient y voir un signe de maturité économique, la réalité est tout autre.
En effet, il faut savoir que ce taux d’accroissement de la population en baisse a été impacté directement par la diminution de la fécondité qui est passé de 2,5 (nombre moyen d’enfants par femme) en 2004 à 2,2 en 2014, pour atteindre 1,97 en 2024, soit un chiffre passé sous le seuil de remplacement des générations, qui est de 2,1 enfants par femme.
En conséquence, cette baisse de l’indice de fécondité reflète avant tout un manque de politiques adaptées au soutien des familles. À court terme, cette dynamique pourrait accentuer le vieillissement de la population, exacerber la pression sur les systèmes de santé et de retraite, et freiner le renouvellement de la main-d’œuvre active.
Urbanisation anarchique et inégalités croissantes
Le taux d’urbanisation a bondi à 62,8 %, concentrant la population dans cinq régions (total de 71,2% des habitants et chacune compte plus de quatre millions d’habitants). Dans ces régions, Casablanca-Settat arrive en tête de peloton avec 7,689 millions de personnes, suivie de Rabat-Salé-Kénitra avec 5,133 millions, Marrakech-Safi avec 4,892 millions, Fès-Meknès avec 4,468 millions, Tanger-Tétouan-Al Hoceima avec 4,030 millions, Souss-Massa avec 3,020 millions et Dakhla-Oued Ed-Dahab avec 219.965 personnes.
Cette hausse du taux en fait un phénomène prévisible certes, mais prouve aussi qu’il n’a pas été accompagné de politiques d’aménagement du territoire efficaces. Les infrastructures peinent à suivre, tandis que les disparités entre les zones urbaines et rurales s’aggravent.
En effet, en termes d’urbanisation, les taux les plus faibles se trouvent dans les régions de Marrakech-Safi (46,0%) ou encore au niveau de Drâa-Tafilalet (36,7%), et où il serait judicieux de souligner que le taux de fécondité y reste élevé, et cela traduit avant tout un retard dans l’accès aux services de santé reproductive et à l’éducation des filles.
Chômage : un échec cuisant
Avec un taux de chômage de 21,3 % contre 16,2% en 2014 et bien plus élevé parmi les femmes (25,9%) que les hommes (20,1%), le marché du travail marocain est dans une impasse. Ces chiffres, basés sur les déclarations directes des citoyens, confirment de troublantes lapalissades, à l’instar notamment de l’inefficacité des politiques d’emploi, souvent annoncées en grande pompe ainsi que de la désillusion de la jeunesse, qui au lieu d’être le moteur du développement, se retrouvent à suivre des mouvements migratoires inquiétants vers l’étranger.
Somme toute, il est à rappeler que le recensement n’est pas seulement un exercice statistique, mais un miroir des échecs et des réussites de toute une communauté. L’urgence de rectifier le tir s’impose donc en écoutant la voix des citoyens. Car, derrière les chiffres, il y a des vies, des espoirs et un avenir à construire.