Au moment où tous les officiels sont occupés avec la visite actuellement du président français Emmanuel Macron, certains habitants du pays, médusés par la décision officielle de l’Association des barreaux du Maroc, lancent un appel au Roi Mohammed VI pour intervenir et réfréner les ardeurs du ministre de la Justice qui a contraint les avocats de tout le Royaume à suspendre totalement leurs activités de défense à partir du 1er novembre, et ce, jusqu’à nouvel ordre.
« C’est une crise sans précédent dans le royaume du Maroc et à défaut d’une intervention du souverain, la situation peut rapidement virer à la catastrophe. Le début du mois de novembre s’annonce très morose. Avec tout le système judiciaire marocain qui sera grippé parce que tout le pays sera sans avocats dès le 1er novembre prochain, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Au final ce sont les habitants du Maroc qui ont des affaires en cours auprès des tribunaux qui en paieront les pots cassés et pas seulement », tonne un avocat qui a blanchi sous le harnais.
Ce grand homme, qui a pris plusieurs affaires pro-bono, d’après le témoignage de plusieurs démunis marocains, dresse à
Freenews.ma le topo : « Notre mission principale et originale, c’est la défense du plus faible et c’est ce que nous continuons à faire avec cette décision de suspension. En fait, les citoyens lambda ne savent pas qu’ils sont impactés directement par les réformes souhaitées par le ministre actuel de la Justice. Petit exemple, l’une d’entre elles instaure «un mandataire» en faisant abstraction de l’avocat, annule le recours en Cour de cassation pour les affaires de moins de 80.000 dirhams et interdit aussi tout recours auprès des cours d’appel pour les dossiers de moins de 40.000 dirhams ».
Et de fulminer : « Nous, en tant qu’avocats, ne sommes pas montés aux créneaux pour défendre nos intérêts, mais plutôt ceux des citoyens marocains. Si derniers estiment que le montant de 40.000 dirhams est insuffisant et qu’ils souhaitent faire appel, c’est leur droit le plus légitime. Le pire dans l’histoire est que si ce même montant a été fixé pour dédommager l’État, ce dernier peut faire appel et vice versa, si c’est l’État qui doit payer 80.000 dirhams, mais n’est pas d’accord, il peut faire appel…Il s’agit là d’une vraie injustice et en clair, on dirait qu’au Maroc, l’on ne prête qu’aux riches, comme toujours… »
Cet éminent avocat au barreau de Casablanca continue de plus belle : « Au niveau de la Chambre des conseillers, l’on sait intiment que ces projets de révision sont injustes à l’égard des citoyens. Le principe d’égalité de tout individu, qu’il soit pauvre ou riche, devant la justice possède une valeur constitutionnelle. Malheureusement, dans le royaume, la vérité est ailleurs. Il faut un arbitrage royal pour que le gouvernement et le Parlement soient au taquet et fassent leur travail ».
Tous les avocats du Maroc seront aux abonnés absents dès ce vendredi
« C’est en signe de protestation contre la « régression législative » que présentent les projets de révision des Codes de procédure civile et pénale, que le ministre actuel de la Justice tient absolument à faire passer, (comme une bonne partie de ses prédécesseurs, mais en vain, ndlr) que cette décision irrévocable a été prise », nous confie un avocat inscrit au barreau de Rabat, expert en droit des affaires, droit immobilier, droit du travail, et conseil juridique, rappelant : « Le communiqué partagé, samedi dernier, par l’Association des barreaux du Maroc annonce officiellement la suspension totale des activités de défense des avocats à partir de vendredi prochain et enjoint les bâtonniers et les Conseils de l’Ordre de coordonner et de superviser cette décision collégiale.
Et de mettre en garde : « Tous les tribunaux du Maroc, sans exception, seront à l’arrêt. Il s’agit d’une grève générale dans tous les tribunaux, dont celui Administratif, du Commerce, des affaires familiales,…de tout le royaume ».
Contacté également par
Freenews.ma, un avocat émérite est tout autant catégorique : « Il n’est nullement question de revenir sur cette décision puisque Abdellatif Ouahbi, ministre de la justice, ne nous a pas donnés le choix. Il faut savoir que les réformes des codes de procédure civile et pénale, auxquelles tient-il mordicus, sont de nature à nuire aux acquis de la profession. Profession qu’il a, lui-même, exercé en début des années 90… Malgré nos demandes répétées pour amender certaines dispositions qui mettront à mal la profession, le ministre persiste et signe dans son indifférence… »
Et de préciser : « Dans la réforme en question, quatre mesures juridiques sont dangereuses et auront des conséquences inéluctablement désastreuses, en l’occurrence le paiement des amendes quand les requêtes d’un procès sont refusées, l’instauration de l’intermédiaire devant les tribunaux de la famille, le refus de la procédure d’appel dans les affaires de moins de 40.000 dirhams et le refus de recourir à la Cour de cassation pour chaque dossier inférieur à 80.000 dirhams, en plus de la possibilité par le parquet de réviser les procès déjà jugés ».
Quid des liquidités au niveau des caisses des tribunaux du royaume, si la grève les concerne tous ?
Avis partagé par un juriste marrakchi qui tient également à mettre en exergue que cette grève renvoyée sine die impactera foncièrement les caisses au niveau de tout les tribunaux du Maroc.
« Plus aucune requête ne sera déposée à partir de vendredi prochain. Cela veut dire concrètement qu’il y aura un très grand impact sur la liquidité financière, sachant que les caisses des tribunaux, mises en place au niveau de chaque tribunal régional, centralisent tous les frais de justices, les frais de dossiers (expertise) et les produits des exécutions judiciaires », nous explique-t-il.
Troublante lapalissade, tandis que le bureau de l’ABAM insiste sur des revendications qui traduisent avant tout la volonté de protéger les acquis constitutionnels et les droits des justiciables et de la Nation, le ministère de Tutelle adopte, de son côté, la politique des trois singes sourd, muet et aveugle advienne que pourra.
Quoi qu’il en soit et dans l’attente que le ministère de la Justice ainsi que le Parlement, censés défendre les intérêts du peuple avant tout, se souviennent que les enseignements de la célèbre sculpture en bois des trois singes sages (sourd, muet et aveugle) du sanctuaire de Toshugu au Japon avait pour message initial : « n’écoutez pas ce qui vous pousse à faire le mal », « ne considérez pas les mauvaises actions comme naturelles » et « ne dites pas le mal sans fondement », d’aucuns espèrent une intervention du Roi Mohammed VI pour trancher ce nœud gordien.
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Parce que ceux qui ont la mémoire vivace n’ont pas oublié que ladite réforme était censée trouver ses fondements dans le discours royal du 20 août 2009, où le souverain avait insisté sur la nécessité de réformer la justice pour répondre aux besoins pressants des citoyens tout en préservant les acquis de l’Etat de droit, rappelant que ce projet de loi est plutôt « inconstitutionnel », « discriminatoire », « injuste », « régressif législativement »…